La mise en place des nouvelles régions a donné naissance à la Nouvelle-Aquitaine. Qu’est-ce que cela change pour nos établissements ?
Christophe GRELLIER : La mise en place de la loi NOTRe nous impacte surtout au niveau des lycées. C’est l’espace de compétence des régions. Nous travaillons désormais avec la Région Nouvelle-Aquitaine essentiellement sur les moyens de fonctionnement des lycées et la carte des formations professionnelles et supérieures. La région s’est aussi saisie de la compétence transport scolaire, et de quelques modalités d’aides aux familles.
L’Enseignement Catholique a donc eu la nécessité de s’adapter à de nouvelles structures administratives, et à de nouveaux interlocuteurs publics. Nous avons dû faire connaissance avec de nouvelles personnes et installer de nouvelles modalités relationnelles.
Outre ces relations aujourd’hui fécondes, travailler avec la Région Nouvelle-Aquitaine est une chance pour l’Enseignement Catholique : cela nous engage à redéfinir notre identité et notre visibilité d’Enseignement Catholique de Nouvelle-Aquitaine, tout en respectant nos réalités diocésaines et provinciales. L’Enseignement Catholique entend aussi profiter du dynamisme du territoire emporté par la métropole bordelaise.
Ce territoire est vaste, avec des réalités géographiques, d’accès à la formation, qui sont différentes. Quelles sont les priorités que vous vous êtes données avec les directeurs diocésains de Nouvelle-Aquitaine en tant que Délégué à la tutelle de la formation pour la formation des équipes dans nos établissements à l’échelle de ce nouveau territoire ?
Christophe GRELLIER : Nous nous sommes fixés 3 objectifs prioritaires :
- Rapprocher la formation des personnes
- Porter une attention particulière aux entrants dans le métier, aux entrants dans notre institution : enseignant et personnels de droit privé
- Comprendre le projet de l’Enseignement Catholique, porteur de sens et d’avenir, appuyé sur l’anthropologie chrétienne
Voilà quelques points que le Conseil Territorial à la Tutelle de la Formation souhaite promouvoir.
D’une façon très générale, je me permets aussi d’ajouter : Que la formation dans l’Enseignement Catholique soit avant tout une bonne nouvelle. Pour cela nous avons besoin de bon professionnels, développant leurs compétences pour un service le plus affiné et une relation juste.
Quels défis fixez-vous à l’ISFEC Aquitaine pour déployer cette politique ?
Que les formations soient toujours inspirées du sens chrétien de la personne, être en relation. Cela commence par s’approcher, à hauteur d’homme. Des formations accessibles, et donc réparties sur le territoire et soucieuses de là où en est la personne qui commence un parcours de formation.
Sur un point symbolique, je me félicite que l’ISFEC ait adopté un nom [ndrl: le 30 janvier dernier, l’Assemblée générale de l’ISFEC Aquitaine a voté de nouveaux statuts pour l’association, élargissant le périmètre d’action de cette dernière aux dimensions de la Nouvelle Aquitaine. Le nom d’ISFEC Aquitaine devient par conséquent obsolète. L’Assemblée générale a choisi de le rebaptiser : ISFEC François d’Assise.] qui fasse moins référence à ce qui est désormais une partie de son territoire, mais à une personne qui a su se déplacer et aller à la rencontre, bousculer par sa simplicité, l’ordre établi. Belle vie à l’ISFEC François d’Assise.
Les métiers de l’éducation évoluent, comment faire face aux nouveaux défis que nous lancent ces nouvelles générations d’êtres humains à former ?
L’éducation a ceci de paradoxal qu’elle est pratiquée par des anciens en direction des générations futures. Le décalage de génération a toujours existé et l’éducation crée des ponts entre les deux, tout en visant demain ; se fondant sur ce qui était, respectant ce qui est, et promouvant ce qui devient.
Actuellement, l’accélération du temps peut faire craindre une distension allant jusqu’à la rupture : par le lien intergénérationnel, l’éducation a une forte responsabilité dans la cohésion de nos familles, de nos écoles, de notre société, de notre humanité.
Préparer à un demain à la fois incertain et inimaginé a toujours été le défi de l’éducation et des éducateurs. Les contraintes environnementales et sociales, économiques au sens de gestion de la maison, nous obligent à simultanément regarder devant et à côté, à penser l’avenir et à vivre avec nos contemporains.
Le principal défi aujourd’hui est d’espérer. Et c’est l’essence même des éducateurs chrétiens : quoi qu’on en dise, demain et possible, demain est souhaitable, et c’est avec toi, frère humain, que je veux le vivre.
Quelles sont les compétences que l’enseignant de demain devra posséder ?
Il me semble que les compétences psychosociales sont des points d’appuis essentiels pour enseigner. L’Enseignement Catholique soutient qu’enseignement et éducation sont liés ; que l’essentiel se passe dans la relation éducative. La relation est première, c’est elle qui nous fait advenir, qui nous constitue humains.
Et je le répète, l’enseignant doit surtout cultiver sa vertu d’espérance, dont une des branches est la confiance en l’éducabilité de la personne.
Pour nos jeunes enseignants qui entrent dans le métier, quels conseils donneriez-vous pour donner du sens à leur pratique ?
Enseignant, éducateurs, vous avez la chance inouïe de participer à l’avènement de nouvelles personnes. C’est vrai de tout instant d’échange, tellement les partages, les conversations, les dialogues … nous changent et nous permettent d’évoluer. L’enseignant-éducateur accompagne l’enfant et le jeune pour une part non négligeable de son temps. Avec recul et respect, c’est une joie de voir les enfants grandir et de contempler la vie qui s’épanouie, qui foisonne, se développe ; et modestement participer à cet essor dans un accompagnement bienveillant.
La vie professionnelle d’enseignant, d’éducateur, est exigeante et parfois éreintante. Si j’avais un conseil à donner, ce serait celui de garder un regard neuf, un cœur qui s’émerveille. Et alors oser rendre grâce de ce qui se vit de beau. La gratitude-attitude est une posture de vie et elle est contagieuse !
Du côté de la formation initiale, une réforme est en cours. En quoi constituerait-elle une chance pour nos jeunes enseignants et pour nos établissements ?
Trois point me viennent à l’esprit :
- Que l’alternance soit maintenue, même modifiée dans ses modalités, est pour moi une bonne pratique.
- Que la formation soit assurée par des professionnels de terrain renforce la professionnalisation de la formation. Et l’ISFEC François d’Assise est bien placé sur ce point, puisque la politique en place depuis quelques années favorise l’intervention de formateurs/enseignants de nos établissements…
- Que le législateur prévoit dans la maquette des masters 10% du temps pour le contexte territorial et projet spécifique : voilà qui laisse la place pour développer notre vision de l’homme et les déclinaisons de pratiques permettant d’honorer notre caractère propre, notre proposition éducative qualifiée.
Voilà une chance de plus à saisir, un espace de liberté à habiter pour l’ISFEC François d’Assise, qui rejaillira sur les enseignants, les établissements et les enfants pour qui nous travaillons tous.
Interview réalisée le 21 Février 2020 par Christelle CLAVE