AccueilActualitésJe crois beaucoup à la liberté de nos équipes. Sur le champ de l’innovation, le projet de loi a renforcé la capacité d’expérimentation au sein des établissements.

Je crois beaucoup à la liberté de nos équipes. Sur le champ de l’innovation, le projet de loi a renforcé la capacité d’expérimentation au sein des établissements.

Max BRISSON est Sénateur Les Républicains des Pyrénées Atlantiques et Rapporteur au Sénat du projet de loi pour l’Ecole de la confiance. Il a accordé à l’ISFEC Aquitaine une interview dans laquelle il livre son point de vue sur le projet de loi et les mesures qu’il a défendu en tant que rapporteur.

Le projet de loi pour l’école de la confiance promet plus de justice sociale et plus et d’innovation territoriale. Quels articles portent le plus significativement cette volonté ?

Max BRISSON  : L’abaissement de l’âge de l’instruction est incontestablement la mesure qui porte le plus explicitement cette volonté d’une plus grande « justice sociale ». Les enfants des milieux les plus fragiles sont les plus tardivement scolarisés : leur nombre est relativement faible mais avec cet article, le Ministre a réaffirmé qu’ils méritaient l’attention de la République et de l’école. C’est un article qui a une portée symbolique mais rappelons qu’en 1882 ; 80% des enfants fréquentaient déjà l’école lors de la promulgation de la Loi rendant l’instruction obligatoire.

 Autre article qui œuvre pour plus de justice sociale : celui rendant la formation obligatoire jusqu’à 18 ans. Cette mesure devrait contribuer à la mobilisation de tous les acteurs (collectivités territoriales, État) qui ont la responsabilité de ces jeunes décrocheurs qui se retrouvent en dehors de tous champs de formation et du système scolaire et qui ont quelquefois même disparu des « radars ». Malheureusement, là encore cette mesure a une portée symbolique, car les moyens ne sont pas déployés, mais  nous l’avons conservé car je crois qu’elle a la vertu d’initier une dynamique.

Je crois beaucoup à la liberté de nos équipes. Sur le champ de l’innovation, le projet de loi a renforcé la capacité d’expérimentation au sein des établissements. Le Parlement en permettant -sur la base de l’accord des enseignants concernés- de déroger aux obligations réglementaires de service, donne plus de latitude aux établissements, aux équipes pour construire, et porter de vrais projets d’expérimentation pédagogique.

L’instauration d’un Conseil d’évaluation de l’école (CEE) qui aura la charge d’évaluer tous les établissements scolaires, pourrait permettre une prise de conscience collective, et des adaptations. Ce qui me semble déterminant c’est que l’évaluation par le CEE sera précédée d’une auto-évaluation de l’établissement, qui devrait permettre de responsabiliser les équipes et leur permettre de travailler ensemble à des remédiations.  

Le 21 mai dernier le Sénat a adopté une version profondément amendée du projet de loi. En tant que rapporteur au Sénat, quels ont été vos chevaux de bataille ? Sur quels points la commission a-t-elle particulièrement travaillé ? 

Tout d’abord je reviens sur l’étonnement qu’a provoqué le texte de la commission publié le 21 mai car, effectivement le projet de loi a été profondément amendé mais nous sommes dans une démocratie parlementaire qui permet justement aux projets de lois des gouvernements d’être amendés, amélioré par les 2 chambres.

Le Sénat a travaillé le projet de loi en auditionnant beaucoup, en écoutant les acteurs. J’ai moi-même piloté de très nombreux entretiens, dont celui avec l’ISFEC Aquitaine. Le Sénat a peut-être plus auditionné que le Ministre lui-même.

Le Sénat a de prime abord travaillé sur l’article 1 – qui était source de polémique – sur les concepts d’engagement et d’autorité des professeurs. Nous avons décidé de conserver ces termes et de lier ces termes au respect dû par les élèves et les familles aux professeurs. Nous avons élargi et modifié les attendus de cet article.

Nous avons introduit un aménagement de l’obligation d’assiduité en petite section qui ne figurait pas dans le projet de loi initial.

Au sujet de la compensation, le Sénat a fait entendre la voix des communes et a fait évoluer le projet de loi. Mais il aurait souhaité aller beaucoup plus loin en prenant en compte la réalité des communes déjà engagée avec des écoles privées sous contrat. Le Sénat aurait aimé que soit pris en compte ce qu’elles versaient déjà et que la compensation porte sur le différentiel, mais la position du gouvernement a été claire et il a souhaité maintenir ce qui était prévu dans le texte de l’Assemblée nationale.

A mon sens, Il réside dans la position gouvernementale une certaine injustice dans la mesure où les communes déjà engagées auprès des écoles maternelles sous contrat ne seront pas compensées, alors que celles qui ne se sont jamais engagées le seront.

Autre point essentiel, celui du travail mené autour de l’amélioration du texte venu de l’Assemblée concernant la formation des AESH. L’objectif était de permettre la création d’une vraie filière avec des AESH référents, la formation des AESH, et des contrats conjoints entre l’Etat et les collectivités pour mettre en place des services plus cohérents.

Le 13 juin, sénateurs et députés sont parvenus à élaborer un texte commun à l’occasion de la commission mixte paritaire relative au projet de loi pour une école de la confiance. Qu’est-ce que cela change pour la formation de nos enseignants ?

En matière de formation, l’accord le plus important auquel nous sommes arrivés, est indéniablement l’obligation de formation continue dans les 3 années suivant la titularisation. Les jeunes professeurs continueront d’être formés par les inspecteurs territoriaux, par des professeurs formateurs, des praticiens de terrain durant les premières années d’activité.

Outre la mise en place d’un continuum entre formation initiale et formation continue ; l’avancée majeure réside dans la possibilité d’organiser la formation dans le temps. L’objectif étant de mieux répartir les apprentissages et d’éviter le surmenage, et donc, l’écueil naturel dans lequel versaient nombre de jeunes professeurs : l’arbitrage sur ce qui leur paraissait essentiel. Désormais, à l’instar des années d’internat en médecine, les jeunes professeurs continueront à être formés tout en étant praticien. Le texte engage donc à une entrée progressive dans le métier.

Le Ministre a donc toutes les clés, s’il souhaite s’en saisir, pour mieux charpenter la formation des jeunes enseignants.

Concernant la formation continue des enseignants, le Sénat a obtenu un alignement du 2nd degré sur le 1er degré.

En pilotant davantage le recrutement des directeurs, en reprenant en main le pilotage du référentiel de formation des enseignants, et en étalant la formation initiale au-delà de l’année de titularisation, le Ministère et donc l’État employeur reprend la main sur la formation des enseignants. Ces dispositions vont dans le sens des conclusions du rapport que j’ai rédigé l’an dernier avec Françoise Laborde. Elles préconisaient une redéfinition par l’état du cadre national afin qu’il corresponde davantage aux besoins de l’éducation nationale.

Interview réalisée lundi 17 Juin 2019, par Christelle CLAVÉ – ISFEC Aquitaine.