AccueilActualitésRésultats de l’enquête « Dans quelle mesure nos établissements sont catholiques »?

Résultats de l’enquête « Dans quelle mesure nos établissements sont catholiques »?

Depuis septembre 2018, une vingtaine de chercheurs, formateurs et praticiens travaillent autour de la question de l’anthropologie chrétienne et de l’éducation, dans le cadre de l’Unité de recherche CERES de l’Institut Catholique de Toulouse. Ensemble, ils cherchent à identifier si au sein des établissements catholiques d’enseignement il y aurait des lieux, des pratiques, des événements,…

Dans le cadre de ses recherches, le groupe a tout d’abord soutenu la parution d’un ouvrage dirigé par LOUIS LOURME, destiné à tous les éducateurs. Véritable manuel de l’éducateur chrétien, Eduquer, c’est-à-dire, Anthropologie chrétienne et éducation, paru aux éditions Bayard (2019) propose au lecteur de s’interroger sur le sens de l’acte éducatif auprès des jeunes. 

C’est à l’échelle de l’établissement que se poursuivent désormais les recherches, avec lancement d’une enquête intitulée « Qu’est-ce qui rend catholique un établissement scolaire ?». Proposée à l’hiver 2020 à tous les membres des communautés éducatives de Nouvelle-Aquitaine, d’Occitanie et du réseau lasallien, ce ne sont pas moins de 1634 élèves, enseignants, parents, personnels OGEC qui ont choisi de répondre à ce questionnaire. 

Que nous apprennent les résultats de l’enquête ? 

#1 Les notions associées au mot « catholique » 

Premier enseignement, les notions que la majorité des sondés associe au mot « catholique » sont :

  • Respect
  • Tolérance
  • Accompagnement
  • Accueil

dans des ordres différents selon les publics. 

Ce sont plutôt les femmes (qu’elles soient enseignantes ou parents d’élèves ) et le personnel OGEC qui mettent en avant la notion de pastorale.

Autre élément à noter autour de ces notions associées :

Les personnes n’ayant pas des croyances religieuses associent plus volontiers le mot catholique à la notion de liberté, contrairement à celles qui en ont. 

#2 Baromètre de la catholicité. Nos établissements sont-ils catholiques ?

Deuxième enseignement, seule une minorité de personnes sondée estime que leur établissement n’est pas ou pas assez catholique. 

Mais parmi cette minorité, les hommes sont deux fois plus nombreux à le penser (16%) que les femmes (8%). 

Si une majorité des sondés estime que leur établissement ( celui de leurs enfants ou celui au sein duquel ils interviennent) est catholique, en terme de public, les écarts sont forts :

Ce sont les parents qui estiment le plus que l’établissement de leur enfant est catholique (83%) devant les personnels enseignants et OGEC (60%) et les élèves (51% seulement). [CC1] Des écarts d’appréciation à interroger d’autant qu’ils varient ensuite en fonction de l’âge et du fait d’être croyant ou pas.

#3 Quels éléments font la catholicité de nos établissements ?

Troisième enseignement, lorsque les sondés indiquent les éléments concrets qui, selon eux, attesteraient du fait que l’établissement serait catholique ou pas on distingue des appréciations dépendantes de la représentation que chacun peut se faire de Dieu, de la religion et de l’Eglise. Toutefois quand on compare ce qui ferait la catholicité ou la non-catholicité d’un établissement des points communs se dégagent :

  • La liberté (de croire ou ne pas croire) et l’accueil de la diversité dans des établissements pouvant accueillir des publics (élèves, enseignants, personnels, parents) culturellement, socialement, économiquement et religieusement plus ou moins hétérogènes.
  • L’approche globale du jeune dans sa singularité (éducation intégrale) pour le conduire vers le bonheur vrai plus que la réussite
  • L’engagement des adultes (CE, enseignants, personnels, parents) dans le projet qualifié de l’EC et de la vie communautaire
  • L’importance de l’explicitation de la proposition des établissements catholiques dès l’inscription, l’embauche, dans des signes visibles (lieux, événements, fêtes, projet pédagogique, modalités de relations, de travail, de décision, activités, propositions plurielles de pastorale, de lecture de la Parole de Dieu, référents adultes)

Si on dresse une liste plus exhaustive de ce qui ferait la catholicité d’un établissement scolaire, les sondés partagent des éléments concrets autour desquels il conviendrait d’échanger et débattre :

  • vivre certaines valeurs
  • une affaire de savoir-être, d’engagement de la personne, des acteurs de la communauté éducative, une histoire de « comportement », de type « d’entrée en relation », de cohérences entre valeurs affichées et actes posés où sont posées essentiellement les questions du recrutement et de l’accompagnement.
  • proposer certaines pratiques…
  • des espaces comportant des signes (crucifix, crèches pour Noël, blouse, sweat, maillots sportifs de l’établissement), des lieux (chapelle, aumônerie, etc.) des activités (jeunes, don, etc.)
  • une affaire de qualité de relation avec les jeunes et entre adultes

#4 Où se joue le caractère propre de nos établissements ?

Quatrième enseignement, l’enquête montre indéniablement qu’il serait des gestes, des moments, des lieux où se jouent résolument le caractère propre d’un établissement. Ce serait dans l’accueil, l’enseignement, la vie de classe, et la gestion des conflits, des difficultés des élèves et des difficultés scolaires ; que s’exprimerait/ se vivrait le caractère propre, selon une majorité de sondés. Alors que dans les récréations, la restauration, les sorties et voyages scolaires, les réunions, le caractère propre ne serait pas prégnant.

L’enquête met également en avant une appréciation du caractère catholique de tel acte, moment ou lieu allant décroissant de l’école primaire au supérieur. Et ce, avec une rupture nette à partir du lycée et à l’inverse, avec une école primaire toujours plus concernée par l’approche catholique sur tous les items. 

Soulignons encore que la taille de l’établissement aurait un effet sur le caractère catholique.

#5 Les 4 questions qui font débat dans nos établissements : 

Cinquième et dernier enseignement, l’enquête met en évidence des débats qui traversent nos établissements autour de 4 questions : 

  • Etablissements catholiques ou établissements privés ? Un grand nombre de sondés estime que la spécificité de l’EC réside avant tout dans la sélection des élèves, l’exigence de travail, la rigueur, les résultats, l’ordre, la liberté, etc. 
  • Etablissements confessionnels ou catholiques ? Pour une minorité de sondés être établissement catholique c’est d’abord et avant tout une mission d’Eglise dont l’objectif serait de rassembler et élargir le cercle de ses adhérents.
  • Quant à la représentation de la notion d’être catholique :
    • Pour les uns, positivement ou négativement d’ailleurs suivant les commentaires, être établissement catholique d’enseignement c’est proposer un agir personnel, un type de relation, etc. inspiré et référé à l’évangile. 
    • Pour les autres, positivement ou négativement là encore, être établissement catholique c’est appartenir à un groupe qui se reconnait par des signes, des rassemblements, des activités, des textes, etc.
  • Explicite ou implicite ? Les commentaires proposés montrent des tensions entre les partisans d’une annonce implicite centrée sur l’incarnation dans la pratique quotidienne de l’anthropologie chrétienne et les partisans d’une annonce du kérygme plus explicite. Des tensions révélatrices de différends sur la stratégie comme sur la finalité de l’annonce. 

Sur la stratégie :

Les tensions semblent de formes : elles font davantage état de la difficulté de l’annonce dans une société sécularisée où les chrétiens sont minoritaires; que d’oppositions de fonds. 

Sur la finalité, le différend semble plus profond, car pour les uns l’annonce est soumise à une évaluation dont la mesure serait l’adhésion à un certain nombre de pratiques et pour les autres l’annonce ne serait pas soumise à une quelconque évaluation.

Sur la finalité

Le différend semble plus profond, car pour les uns l’annonce est soumise à une évaluation dont la mesure serait l’adhésion à un certain nombre de pratiques et pour les autres l’annonce ne serait pas soumise à une quelconque évaluation.

Les recherches se sont poursuivies avec la mise en relation des résultats de l’enquête avec le récent ouvrage de Christoph Théobald*. 4 concepts clés restent à vérifier, lors d’entretiens qualitatifs : 

  • Le concept d’hospitalité donnant à l’accueil une valeur et un sens tout particulier à approfondir et à habiter ;
  • Ce que Théobald appelle « la foi élémentaire » , ce « déjà présent d’évangélique » en chacun de nous. Cette aspiration au sens, au spirituel, à la paix, au service, à l’empathie, au pardon que nous ignorons bien souvent, alors qu’elle est cette présence même de l’Esprit en chacun de nous et n’attend qu’à être libérée et sollicitée ;
  • Le concept de présence éducative particulière qui, par son rayonnement, invite peu à peu à des relations vraies et fraternelles ;
  • Enfin le concept de « style » qui serait tous ces petits riens qui permettraient à quelqu’un de caractériser le style de nos établissements comme on le fait en parlant de style « bohème », « militaire » ou bien d’autres qualificatifs encore.

Fort de ces éléments quantitatifs servant d’état des lieux et des travaux de lecture conduits, le groupe de recherche élabore désormais un guide d’entretiens qualitatifs. Ces entretiens seront réalisés au printemps 2021 auprès d’un panel représentatif et volontaire pour approfondir les éléments identifiés par l’étude. Enfin, après l’analyse de ces entretiens, un travail de recherche action sur le terrain sera effectué en collaboration avec des groupes volontaires dans des établissements intéressés par le thème de la recherche.

Par Matthieu POMMIERS

* THEOBALD Christoph, Urgences pastorales : comprendre, partager, réformer, Montrouge, Bayard, 2017. 

THEOBALD Christoph, L’Europe, terre de mission, Cerf, 2019

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